Découverte musicale

En faisant des recherches pour une histoire qui se déroule au MIM, j’ai découvert leur instrument du mois : le violon de Hardanger, ou hardingfele.

L’instrument vient d’une région méridionale de Norvège, également connue pour ses broderies. Il s’agit d’un violon richement décoré d’incrustations en nacre et de motifs peints. Sa particularité est de posséder quatre ou cinq cordes « sympathiques », appelées ainsi parce que, situées au-dessous des cordes principales, elles ne sont pas touchées par l’archet, mais vibrent à l’unisson. Cela donne une sonorité double et des sons très doux, un peu fantomatiques.

Qui dit hardingfele dit Annbjorg Lien, violoniste norvégienne dont j’apprécie particulièrement ce morceau.

Avec un instrument pareil, les légendes abondent : les trolls connaîtraient les plus belles mélodies, et seraient prêts à les enseigner aux musiciens intrépides… le diable serait le prof de tous les joueurs de hardingfele… Les violonistes auraient-ils une dent contre leur prof et les difficultés de l’apprentissage pour dire des choses pareilles ? Quoi qu’il en soit, le morceau traditionnel suivant est censé être une mélodie composée par le diable, et ses accords sont appelés « les accords du troll » :

Hey Baby

Vous êtes une femme. Depuis la puberté, vous savez que vous êtes en victime de viol en puissance. Vous savez que si vous sortez dans un jardin public, vous allez vous faire aborder avec plus ou moins de finesse – parce que si vous êtes sortie de chez vous, seule, en plus, ce n’est pas pour prendre l’air ou lire un livre (même si vous en avez sorti un) : c’est pour vous faire draguer par le premier venu. C’est évident.

Une créatrice de jeux américaine, après être tombée sur le lourdingue de trop, a créé un jeu vidéo, Hey Baby, sur le principe du Shoot ‘Em Up.

On dézingue les dragueurs lourds à coup de mitraillette, et une pierre tombale apparaît, portant leur phrase d’approche en guise d’épitaphe. C’est drôle, ça défoule et c’est un peu le pendant féminin de Duke Nukem (toutes proportions gardées).

Dans Courrier International, la journaliste Eleanor Mills explique son désaccord avec ce jeu : et la liberté d’expression ? Et la liberté d’aller dire à une inconnue qu’on la lècherait bien partout ? Et la libération sexuelle alors ?

Beaucoup (ici, et ici) se sont insurgés contre les propos d’Eleanor Mills, si réactionnaires que je me demande si l’article n’a pas été écrit pour déclencher une fausse polémique et faire un coup de pub au jeu, dont le principe est drôle et « parle » à toute femme de plus de quinze ans.

« Je ne veux pas vivre dans un monde qui réglemente à ce point les relations entre les sexes qu’aucun homme ne peut se sentir le droit de faire un commentaire sur mon aspect physique dans la rue » écrit l’auteur, qui ne précise pas si le commentaire doit être flatteur ou non. En effet, les plus minables des dragueurs ont une forte tendance à sortir « T’es moche » ou « Salope » soit en guise d’approche, soit pour se venger d’avoir été rejetés – au passage, la loi française sur la liberté d’expression exclut l’insulte et la diffamation, donc tous les lourdingues qui insultent les femmes en pleine rue outrepassent les limites de cette liberté.

D’une part, les hommes qui ont des paroles ou des gestes obscènes auront besoin de bien plus qu’un petit jeu vidéo pour laisser les femmes tranquilles. Mais s’ils peuvent se rentrer dans la tête que leur comportement est odieux, ce ne sera pas plus mal.

D’autre part, les rares hommes qui se contentent de faire un commentaire flatteur à une inconnue (de type « Vous êtes charmante ») savent très bien qu’ils ne sont pas insultants, et ne se sentiront pas menacés par le jeu. D’ailleurs, pourquoi des hommes ne joueraient-ils pas à Hey Baby ? Il paraît que certains hommes lisent les magazines féminins pour mieux savoir à quoi pensent les femmes (si c’est exactement comme les magazines, 60 % de pub et 40 % de remplissage, mais je digresse). Pourquoi ne joueraient-ils pas à Hey Baby pour avoir une connaissance imparable de la phrase à ne pas dire ?

Pour conclure, et si les femmes se mettaient à faire des compliments aux hommes dans la rue ? Sur leur mine, sur leur tenue, sur leur coupe de cheveux, leurs yeux, leur jambes ? Comment les hommes réagiraient-ils ? Est-ce qu’on aurait aussi le droit de leur dire qu’ils sont coincés s’ils n’apprécient pas ? Est-ce qu’on pourrait mettre les compliments de passage, les vraies tentatives de drague et les propositions obscènes dans le même panier ? Qu’est-ce qui serait souhaitable ?