Le parfum d’Aérine

Depuis quelques temps, je m’intéresse aux parfums. Ce qui était au départ le souhait de changer de parfum s’est transformé en découverte d’un petit monde, celui des parfumistas et des créateurs.
L’une des plus belles découvertes est celle des créations d’Isabelle Doyen pour Les Nez. L’une d’entre elles, Let Me Play The Lion, un boisé chaleureux et crépitant comme un bon feu, m’a fait penser à un passage de Casque de Feu

Aérine rêve de batailles et d’aventures et montre une absence totale d’intérêt pour la coquetterie et les fanfreluches. De retour d’une expédition solitaire, au cours de laquelle elle a plongé dans un grand feu de bois pour vérifier l’efficacité de son baume de protection contre les flammes, elle doit assister à un banquet officiel qui l’ennuie prodigieusement. Malgré ses efforts, elle n’a pas pu enlever complètement l’odeur de feu de bois et d’herbes, puisque trois personnes la complimentent sur son parfum…

Si elle avait dû en porter un, ç’aurait été Let Me Play the Lion.

Résumer Proust en quinze secondes

(D’après le sketch des Monty Python, The All-England Summarize Proust competition, en anglais)

1) Le narrateur se souvient de son enfance et de son accession à l’âge adulte ; alors qu’il reprend ces souvenirs, il comprend mieux la société et les autres, et sa vocation d’écrivain peut enfin s’épanouir.
2) Le narrateur, enfant sensible et trop attaché à sa mère, devient un adolescent dominé par ses rêves charnels et amoureux, jusqu’à séquestrer l’objet de sa passion. La fuite de son aimée est aussi irrémédiable que possible.
3) Le narrateur découvre les rouages de la bonne société, notamment le pouvoir de la sexualité, semblable à la reproduction des fleurs : à la fois visible à tous et cryptée, impérieuse, étonnante, irrésistible.
4) Le narrateur fait son éducation d’artiste en devenir, retraçant les destins d’un grand musicien, d’un grand écrivain, et d’un grand peintre, sans oublier le contre-exemple de l’amateur d’art qui n’aura jamais réussi à écrire.
5) Le narrateur nous donne à voir les implications sociales de l’affaire Dreyfus, ainsi que les visages cachés (doubles, triples) des membres de la société, des salons aristocratiques au petit personnel hôtelier.

On peut sans peine en trouver cinq autres, et encore cinq autres. Mais le fait est, il est impossible de résumer TOUT Proust en quinze secondes…

PS : Dau, du blog à la recherche, écrit « On ne porte pas du Chanel pour se rendre aimable. On porte du Chanel pour être soi, pour avoir raison… » Dau a souvent raison, surtout sur les relations dans Proust, ici et .

Casque de feu

Je l’ai rencontrée la première fois vers l’âge de 11 ans, elle m’a fascinée. J’ai repensé à elle, bien longtemps après, déçue par des histoires que j’adore mais où les femmes sont des potiches ou sont sempiternellement cantonées à l’arrière-plan. Je l’ai redécouverte vingt ans après, après l’avoir cherchée sur la base d’un souvenir vague, et elle m’a à nouveau enchantée.

Elle, c’est Aérine, l’héroïne de Casque de feu, un roman de Robin McKinley. Le titre et la couverture française sont volontairement ambigus sur le sexe du personnage principal, tout comme le titre et la couverture de l’original, en anglais (The Hero and the Crown). Forcément, car si les petites filles lisent des histoires dont le héros est une fille ou un garçon, les garçons, c’est bien connu (ça leur est bien inculqué, surtout), ne lisent pas d’histoire dont une fille serait l’héroïne…

Aérine est fille de roi, mais sa position à la cour de son père est précaire, car sa mère appartenait au peuple des ennemis héréditaires du royaume. Elle s’ennuie parmi des courtisans qui la détestent. Un jour, elle retrouve la recette d’un baume anti-feu dans un livre de chroniques historiques et décide de s’en servir pour combattre les dragons…

Casque de feu est un roman essentiel pour de nombreuses raisons :

1) on ne le lâche pas, entre péripéties et sens de l’humour de l’héroïne.

2) il enseigne (ou rappelle les vertus de) la persévérance. Dans la première partie, Aérine est une ado qui se cogne aux meubles et ne sait pas quoi faire d’elle-même. Dans la deuxième, elle tue des dragons et s’impose comme une femme et une guerrière de toute première classe. La différence est énorme mais pas surprenante, parce qu’on l’a suivie dans ses longues séances d’entraînement. Elle n’accomplit pas de grandes choses parce qu’elle est « douée ». Elle s’entraîne pendant des heures, jour après jour, en ignorant les courbatures et les ampoules.

3) il y a une superbe histoire d’amour, qui n’a pas perdu de sa force ni de son originalité.

J’ai relu Casque de feu en l’analysant scène par scène, pour mieux comprendre comment l’histoire s’articulait. Loin de montrer certaines faiblesses ou de désenchanter l’histoire, au contraire, ce procédé m’a donné l’impression d’analyser de près les rouages d’une mécanique exceptionnelle.